Dalil Boubakeur est bien mal embarqué avec son procès contre Charlie Hebdo dans le cadre de cette interminable histoire de caricatures du prophète.
Il tente d'expliquer qu'il n'a rien contre la liberté d'expression, qu'il ne cherche pas à museler la presse, ni rétablir le délit de blasphème.
Pourtant, il ne fait strictement rien d'autre!
Comme le dit un excellent Edito du Monde: "Les avocats des plaignants se défendent de faire le procès de la liberté d'expression, fustigeant à travers les dessins incriminés "un message raciste qui assimile tout musulman à un terroriste islamique". .......... Mais, en l'espèce, dans le dessin de Cabu, la distinction est sans ambiguïté entre islamistes en particulier et les musulmans en général.
................. le procès de Charlie Hebdo est celui d'un autre âge, d'un autre temps. Même si les plaignants n'invoquent pas cet argument, il faut avoir en mémoire que ce qui a déclenché la polémique, c'est la représentation du prophète Mahomet, qui, aux yeux de l'islam, est un blasphème. On est donc en présence d'une querelle obscurantiste."
Mais d'ou vient alors l'accusation fréquente d'une "liberté d'expression à géométrie variable", qui laisserait faire les attaques contre l'Islam tout en interdisant celles contre Israel?
Comment démonter cette idée d'une "Islamophobie" ambiante jointe à une "Israélophilie" qui ne le serait pas moins?
La liberté d'expression est limitée par la loi dans tous les pays du monde et, à vrai dire, beaucoup plus limitée dans les pays musulmans qu'elle ne l'est en Europe ou aux USA.
Les limites légales à la liberté d'expression portent principalement sur:
a) Les droits d'auteurs (copyrights)
b) La diffamation - les atteintes à la vie privée
d) Le racisme - la xénophobie
e) Le négationnisme d'évènements historiques avérés (génocides et épurations ethniques).
Ces limites à la liberté d'expression sont strictement les mêmes pour tous les habitants d'un pays déterminé et ne sont donc PAS à géométrie variable. C'est le premier point fondamental.
La loi interdira a tout le monde de diffuser des écrits attaquant un blanc/noir/juif/arabe/martien parce qu'il est blanc/juif/arabe/martien. C'est du racisme.
Le même blanc/noir/juif/arabe/martien pourra par contre être traité d'ahuri parce qu'il vote libéral/socialiste/ecolo ou parce qu'il aime Nana Mouskouri ou Céline Dion. Ce n'est pas du racisme.
On pourra se moquer des religions, on pourra même vomir les religions, les idéologies, les tendances politiques, tout cela étant permis dans le cadre de la liberté d'expression.
L'Islam n'est pas une race et donc se moquer de l'Islam ou de toute autre religion n'est pas condamnable depuis la disparition bien heureuse du délit de blasphème.
Le négationnisme par contre est du racisme et il est logique que sa propagation soit limitée par la loi, au même titre que tout autre propagande raciste.
C'est ainsi qu'il est logique, même si cela peux paraitre déséquilibré, d'interdire le négationnisme de l'holocauste mais pas les caricatures du prophète.
Et c'est cela le deuxième point fondamental.
Ce n'est pas un groupe (Musulman, Arabe, Martien, Juif ou autre) qui est "protégé" (ou pas) par les limites posées à la liberté d'expression mais bien un acte dont l'interdiction est basée entre autres choses sur son caractère raciste ou pas, indépendamment du groupe concerné par cet acte.
A vrai dire la seule mais profonde aberration dans toute cette histoire est la distinction posée par le législateur entre un négationnisme (celui de l'holocauste, très clairement interdit) et un autre (par exemple celui du négationnisme d'état pratiqué à l'échelle mondiale par la Turquie quant au génocide des arméniens).
Au nom et en vertu du principe pas toujours bien compris de liberté d'expression.
PS: A lire absolument, le commentaire de Jean P. ici plus bas.
Les hommes peuvent être caractérisés dans leurs différences par deux types de caractères ; d'une part, des caractères acquis et donc non modifiables et, d'autre part, ceux qui résultent d'un choix.
ReplyDeleteLes caractères acquis (origine, couleur de peau, couleur des cheveux, forme du nez, taille, handicap, ...), nos morales (et nos lois) ne tolèrent pas qu'on les critique ou moque ; cela serait assimilé au délit de racisme.
Par contre tout ce qui résulte d'un choix personnel peut être débattu, critiqué ou même moqué. Notre morale et notre loi ne connaissent pas le délit d'opinion et, même plus, encouragent la confrontation des opinions. C'est ainsi que nos sociétés progressent.
On peut donc débattre, critiquer ou moquer les opinions politiques, religieuses ou phiosophiques de quelqu'un ; on peut critiquer sa manière de se vêtir, ses habitudes alimentaires, ses comportements. Mais il est interdit de le traîter de sale boche, bougnoule, handic, blonde stupide, etc ... (sauf si c'est une fausse blonde - mince, comment vais-je vérifier ?).
La limite entre ces deux aspects de l'individu paraît très donc nette.
Pour certains, elle l'est cependant beaucoup moins qu'il n'y paraît ...
Lorsqu'on nait arabe et musulman, il ne paraît généralement pas possible de changer de religion. En Occident, la religion est une affaire individuelle et chaque individu est libre d'en changer ou de cesser d'appartenir. Les musulmans ne partagent généralement pas ce point de vue. La "déconversion" est un délit. Critiquer l'appartenance a une religion s'apparente donc au dénigrement d'un caractère acquis. Et s'apparente donc à une forme de racisme.
Une ambigûité du même genre existe lorsqu'on critique le sionisme ou l'accoutrement d'un juif orthodoxe ou le turban d'un Sikh.
Et qu'en est-il de l'homosexualité ? Est-ce un caractère acquis ou un choix ?
Nous sommes donc, une fois de plus, confrontés aux différences de définitions et de bases qui existent dans différentes cultures.
Cela ne simplifie pas les choses.